Chapitre 8 – Le fonctionnement de l’Assemblée nationale

Les partis politiques sont disparus de l’Assemblée.  Les députés y pénètrent, tous à titre personnel, tous élus avec une majorité absolue, tous libérés de toute attache à un parti.  Ils entreprennent leur fonction sur un pied d’égalité.  Il n’y a plus de députés vainqueurs, hilares et à l’œil quelque peu arrogant.  Il n’y a plus de députés vaincus, à la mine basse et déconfite, humiliés de leur défaite.  Ils sont tous là, différents certes les uns des autres, mais n’ayant d’autre choix que de travailler ensemble pour le bien public.  Ils n’ont plus à se combattre à priori, comme c’est le cas dans une Assemblée partisane.  Ils ont plutôt à construire pour les citoyens quelque chose de valable et de salutaire, malgré et dans leurs divergences normales de vues et d’attitudes.

On ne soulignera jamais assez l’importance considérable d’un climat positif et constructif pour les travaux de l’Assemblée des députés, au lieu de l’atmosphère de suspicion, de lutte et de démolition mutuelle engendrée par les partis politiques.  Ce serait sûrement là un des grands avantages qu’apporterait à l’Assemblée nationale un nouveau régime sans partis : créer une ambiance de coopération dans le respect des différences, propice aux débats d’idées avec ouverture et liberté d’esprit.  L’Assemblée pourrait devenir une ruche grouillante capable de produire des projets novateurs, où chacun des députés, au lieu de simplement applaudir les « bons coups » de son parti ou de huer les adversaires, fournirait son écot, apporterait sa contribution personnelle à l’édification d’une politique créatrice et soucieuse du bien commun. Est-ce vraiment possible ?  Je le crois sincèrement, au risque d’être taxé avec mépris de naïf et d’idéaliste.

L’exercice d’un plein pouvoir législatif

Il est grand temps de valoriser le rôle de tous les députés de l’Assemblée nationale, non seulement en paroles mais de façon bien réelle.  Comment le faire?  En attribuant à l’Assemblée le plein pouvoir législatif.  On sourira sans doute, d’un petit air narquois, devant cette proposition.  Vous défoncez là une porte grande ouverte, me dira-t-on de manière un peu méprisante, l’Assemblée actuelle jouit déjà du plein pouvoir législatif.  Ce n’est pas exact, dans la réalité des faits et dans l’exercice concret de ce pouvoir.  Formellement et juridiquement,  l’Assemblée de députés possède, il est vrai, le plein pouvoir législatif.  C’est elle seule qui peut débattre des projets de loi et les voter.

Quand on parle ainsi de l’Assemblée, on fait référence à l’institution comme telle, dans son ensemble, au corps global des députés incluant aussi nécessairement, en vertu du régime parlementaire britannique, le premier ministre et son cabinet ministériel.  Or, on sait très bien, et je l’ai démontré à la première section de l’ouvrage, que, dans le concret des choses, le premier ministre et son cabinet de ministres sont pratiquement les seuls à préparer et à présenter des projets de loi.  Les simples députés du parti gouvernemental n’ont en réalité que très peu à y voir et à y faire.  Ne parlons pas de l’ensemble des députés de l’opposition, y compris le chef de l’opposition officielle, qui y demeurent complètement étrangers.

Qu’est-ce qui reste alors aux députés ordinaires de leur pouvoir législatif?  Pour les députés du parti gouvernemental, après une courte période de débats où d’ailleurs, la plupart du temps, ne participent que le chef de parti et ses ministres, il leur reste simplement de voter automatiquement en faveur de leur parti, à titre de purs figurants du nombre.  Pour les députés de l’opposition, simplement de voter tout aussi automatiquement contre le parti au pouvoir, à titre également de purs figurants du nombre.  Vous appelez ça pour chaque député l’exercice concret d’un plein pouvoir législatif?  Actuellement, c’est le corps institutionnel global de l’Assemblée qui détient ce plein pouvoir.  Mais concrètement,  c’est seulement la poignée de ministres au pouvoir qui se donne la prérogative de l’exercer réellement.  Le reste des députés, donc la très grande majorité, tombe dans les limbes!

On voit bien qu’il existe une différence énorme entre le formel, le juridique, l’institutionnel abstrait et le réel concret, existentiel.  Affirmer dès lors que l’Assemblée nationale possède déjà le plein pouvoir législatif relève d’une équivoque trompeuse, de la confusion nocive entre le formel et le réel, entre un pouvoir abstrait et son exercice concret.  C’est donc un leurre et une fausseté camouflée de le croire!

Quand je prône l’attribution à l’Assemblée nationale d’un plein pouvoir législatif, j’entends tout à fait autre chose que ce qui existe et se passe à l’heure actuelle.  Je veux dire que tous les députés, sans exception et eux seuls, auront le droit et le pouvoir de préparer et de présenter des projets de loi.  Le jeu de l’intervention des ministres, qui fait présentement écran au travail des simples députés, ne pourra plus se jouer, comme je l’indiquerai plus loin.  Il reviendra aux seuls députés non ministres d’exercer de facto le plein pouvoir législatif dévolu formellement à l’Assemblée nationale.  Il y aura alors une concordance parfaite entre le pouvoir juridique imparti à l’Assemblée en temps que corps global et le pouvoir réel exercé par tous et chacun des députés qui la composent.   Ce n’est pas le cas, actuellement.  Le pouvoir législatif total accordé juridiquement à l’ensemble de l’Assemblée se résume et se réduit, dans la pratique, au pouvoir concret d’une petite fraction seulement de ses membres.

En attribuant à chacun des députés le droit et le pouvoir de préparer et de présenter des projets de loi, on donne enfin un sens et un poids à leur présence au sein d’une Assemblée législative.  Leur rôle est ainsi clairement valorisé.  On leur confie un pouvoir et une responsabilité qui les rendront sûrement plus conscients de la noblesse et du sérieux de leur fonction.  Au lieu de s’étioler et de sécher sur leurs arrières-bancs, ils seront tous conviés à une tâche, lourde certes, mais combien stimulante et gratifiante.  Ce sera là, entre autres, une démonstration éloquente de la personnalisation de l’activité politique à laquelle je tiens tant.

Sans compter que ce vrai pouvoir législatif décerné à tous les députés et pratiqué par eux arrime, par leur truchement, l’action législative à l’ensemble des citoyens dont ils sont les représentants.  Les électeurs peuvent intervenir, et seront poussés à le faire, auprès de leurs députés pour leur suggérer des projets de loi utiles à leur comté et à l’ensemble du pays.  Sachant que les députés ont le pouvoir de confectionner des projets de loi, de les présenter et de les défendre, les citoyens seront incités de la sorte à participer activement à la vie politique, à développer leur esprit civique et démocratique.  Car l’insouciance, le désintéressement, la résignation, et aussi le cynisme naissent souvent de l’impuissance ressentie devant les cénacles hermétiques dotés de pouvoirs secrets et exclusifs.

N’importe quel député, peu importe l’idéologie à laquelle il appartient et les vues politiques qu’il soutient, dispose du pouvoir d’édifier et de présenter des projets de loi.  Là-dessus encore, tous les députés jouissent de chances égales et partent du même pied.  Il n’y a plus de députés d’avant-plan et d’arrière-plan, de première et de seconde classe.  Ce nouveau statut d’égalité conférera, par exemple, autant de pouvoir à un député dont l’idéologie est moins conformiste et plus marginale qu’à d’autres dont la pensée est plus classique et se situe davantage dans les grands courants de la société.  C’est ce qui me faisait dire précédemment que le député qui, dans la situation actuelle, aurait été représentant d’un tiers parti marginal, pourrait en fait, dans ce nouveau régime, exercer à titre personnel beaucoup plus d’influence et de pouvoir que présentement, relégué qu’il serait dans l’ombre du parti gouvernemental.

Non seulement tous les députés jouiraient du pouvoir strictement législatif, mais ils auraient aussi le droit de proposer des mesures à adopter par l’Assemblée nationale, à la condition expresse qu’elles soient d’intérêt public et général.   Une mesure du genre serait, par exemple, l’acceptation ou le refus de hausser les frais de scolarité des étudiants universitaires.  Actuellement, de telles mesures, habituellement, sont réservées au premier ministre et à ses ministres qui les décrètent collectivement ou individuellement.  Les députés n’auraient pas à s’occuper de mesures purement locales, relatives à leur comté ou à d’autres circonscriptions et destinées à régler des problèmes bien particuliers.  Il faut sauvegarder à la fonction de député un caractère universel, axé sur le bien de la collectivité dans son ensemble et qui soulignerait une fois de plus la hauteur et la dignité attachées à ce poste.

Également, il faudrait attribuer aux députés le pouvoir de décider des nominations de personnes aux fonctions les plus importantes et les plus prestigieuses de la société.  Par exemple, les juges de la Cour suprême du Québec, les présidents-directeurs généraux de la Caisse de dépôt et de placement, de l’Hydro-Québec, de la Société générale de financement, l’ombudsman, etc.  Cette liste n’est pas exhaustive, elle n’est qu’une illustration.  Jusqu’ici, ces nominations ont été généralement le lot du premier ministre [1]ou du cabinet ministériel.  Souvent, pour ne pas dire toujours, les décisions se prennent dans le plus grand secret.  Les nominations sont fréquemment oblitérées d’une frappe partisane[2], en récompense des bons services rendus au parti ou pour infléchir la direction des organismes concernés dans le sens des politiques du parti au pouvoir.  Là encore, dans la transparence de débats publics à l’Assemblée, la vrai démocratie y gagnerait.  Les nominations seraient faites par les députés représentant l’ensemble du Québec, au lieu d’être tirées du chapeau magique du premier ministre ou de ses collaborateurs immédiats.

En outre, dans le nouveau système politique, les nominations des personnes qui occuperaient les fonctions de président de l’Assemblée des députés, de ministres, de premier ministre et même de président de la République relèveraient de l’Assemblée nationale.  Pour le poste de président de cette dernière, c’est déjà un acquis du régime actuel.  Pour ceux de ministres, de premier ministre et de président de la République, j’en ferai la justification plus loin :  le plein exercice démocratique du pouvoir législatif des députés m’apparaît le commander.

Premières séances de l’Assemblée nationale

Les élections ont eu lieu.  Les députés se retrouvent à l’Assemblée nationale.  Les premières séances qu’ils y tiendront revêtent une grande importance.  Ils sont devenus maintenant tous et chacun les vrais législateurs du pays avec d’énormes responsabilités sur leurs épaules.  Le travail ne manquera pas; il faut s’y atteler sans retard.  Quatre séances spéciales me semblent nécessaires.

Information mutuelle

Avant de procéder à cette séance, les députés se choisiront un président d’occasion, à la fonction tout à fait transitoire, en attendant l’élection du président permanent.  Sa charge sera bien différente de celle de ce dernier et toute simple.  Elle consistera uniquement à ce que la présentation des députés se déroule dans le bon ordre, en respectant la limite du temps qui leur est allouée.  Ce sera, en somme, plutôt un « donneur de parole ».

Cette séance a pour but à ce que chacun des députés, y compris le président d’occasion, se présente à ses collègues.  Avec le type d’élections sans partis politiques que j’ai décrit précédemment, on peut s’attendre à ce qu’un grand nombre de députés soient nouveaux dans la fonction.  Étant donné que les élections se sont tenues au niveau de chaque comté seulement, les députés, accaparés par leur propre campagne locale, n’ont pas eu la possibilité de se connaître tellement entre eux, si ce n’est par ouï-dire et de manière indirecte.  Il importe alors que tous et chacun se révèlent directement aux autres, qu’ils affichent candidement leurs couleurs, leurs attitudes, leur vues et objectifs politiques.  Ils n’ont rien à perdre d’être sincères et honnêtes dans leur présentation; ils n’ont pas de parti à pourfendre ou à protéger.  L’Assemblée n’est plus un champ de bataille.  C’est un lieu de travail en commun, de coopération dans la diversité entre gens tous désireux de servir le bien public.  Pas de place pour la rhétorique creuse!  Bien préparés, ils peuvent, à l’intérieur d’une période de dix à quinze minutes, dévoiler clairement leur personne, témoigner exactement de leurs intentions et prises de position politiques.

Une telle séance d’information mutuelle n’a rien d’une « quétainerie » de  « bons diables ».  Elle permettra de voir se dessiner déjà des affinités de caractère et d’intérêts entre députés, susceptibles d’entraîner d’éventuelles alliances pour la préparation et la présentation des projets de loi.  Ces alliances seront d’ailleurs essentiellement variables d’un projet à l’autre, vu qu’il n’y aura plus de « ligne de parti » pour contraindre les députés à penser et à agir semblablement.  Le même député peut très bien appuyer le projet de loi d’un collègue pour des raisons qui tiennent à la substance propre du projet et s’opposer à celui d’un autre pour des motifs identiques.

De plus, cette séance présentera aux députés l’avantage de mieux s’évaluer l’un l’autre, de connaître un peu plus leurs talents et leurs ressources réciproques.   Les nominations aux postes importants qui se feront à la quatrième séance pourront s’effectuer de manière plus éclairée et judicieuse.  Enfin, l’information communiquée entre membres de l’Assemblée éclairera grandement l’ensemble des citoyens.  Ils pourront se faire une idée plus nette des forces qui s’y déploient, de la dynamique qui s’y installe.  C’est de nature à éveiller chez eux plus d’intérêt et de vigilance à l’endroit de leurs députés.  Il n’y a aucune raison de ne pas téléviser cette séance d’information,  dont la teneur sera beaucoup plus intéressante et éducative que les périodes de questions souvent belliqueuses et stériles qu’on nous sert présentement.  Une semaine pourrait y être consacrée.

Décisions préalables

La séance d’information mutuelle serait suivie d’une autre séance d’une semaine, employée à la prise de décisions importantes, préalables à la mise en marche du nouveau gouvernement.  On procédera tout de suite à l’élection du président permanent de l’Assemblée nationale.  Le président provisoire lui cédera aussitôt sa place; sa tâche est terminée.  La fonction du président, sous ce nouveau régime, n’équivaudra pas à celle du président actuel qui fut établie par la tradition parlementaire britannique.  Celle-ci, avec le système des partis qui commandait l’élection d’un président d’appartenance au  parti gouvernemental, se devait d’assurer une certaine neutralité à cette fonction.  Voilà pourquoi il n’a pas le droit de participer au vote, sauf très exceptionnellement, ni aux débats qui le préparent.

Mais la situation n’est plus du tout la même dans une Assemblée sans partis.  Le président n’est plus un membre du parti au pouvoir.  Il n’existe plus dès lors aucune raison valable pour lui de pas jouir, comme les autres députés, du droit de parole et de vote.  Car les règlements et procédures ont beau dater depuis fort longtemps, ils n’ont rien de sacré et d’absolu.  Ils ont été déterminés par les humains pour les humains.  Ils peuvent et doivent donc être modifiés, quand la situation change radicalement et l’exige.  Le président de l’Assemblée nationale pourra en conséquence émettre son avis lors des débats, mais comme dernier intervenant pour ne pas influencer indûment les députés, et ensuite donner son vote, comme tous les autres, sur la question à l’étude.

La tâche du président ne consistera pas uniquement à distribuer les tours de parole, à maintenir l’ordre et un certain décorum dans l’Assemblée.  Il établira l’agenda des séances qu’il communiquera d’avance à tous les députés.  Il le fera, sur la base de leurs desiderata et des renseignements qu’ils lui fourniront sur les projets de loi, les mesures et motions qu’ils veulent présenter.  Jusqu’ici, cette charge revenait au chef du parti gouvernemental, au cabinet ministériel ou à leur représentant.  Cela leur conférait un avantage appréciable sur les partis d’opposition et créait parfois chez ces derniers un climat d’appréhension, de méfiance, voire d’hostilité.  Il n’y a plus de partis, le président peut s’acquitter de cette tâche, au profit de tous les députés.

Évidemment, une telle charge nécessite un jugement solide, un sens aigu de l’équité envers tous, une intelligence capable d’évaluer correctement l’importance et l’urgence des questions à traiter.  À la rigueur, l’Assemblée pourrait, rarement et dans des conditions extraordinaires, modifier l’agenda proposé par le président.  Pour des raisons d’autodiscipline et d’efficacité de l’Assemblée, il ne faudrait pas qu’elle en abusât.  Ce serait d’ailleurs à son grand désavantage que de vouloir recréer l’atmosphère de lutte perpétuelle qui caractérise le présent régime de partis.

Il reviendra aussi au président de fixer un temps raisonnable aux débats et discussions, variable en fonction, là encore, de l’importance et de l’urgence des sujets en cause.  Pas question d’imposer un bâillon aux députés parce que la session achève et parce qu’on estime pressant de leur faire avaler telle mesure ou tel projet de loi!  C’est une tactique malveillante propre aux partis gouvernementaux.  Chaque motion, mesure ou projet de loi sera étudié le temps raisonnable qu’il faut, en évitant de palabrer inutilement et de s’éterniser dans les arguties.  Le président doit là-dessus faire preuve d’un grand discernement.

Tous les députés ne peuvent se prononcer chaque fois qu’un sujet est à l’ordre du jour.  Ça prendrait un temps infini pour en faire le tour.  Le président établit avec justice une rotation de parole chez les députés, en tenant compte de leur compétence sur telle question et de leur désir de s’exprimer.  La rotation est déterminée de façon qu’une portion significative de députés puisse livrer ses opinions sur un sujet, une autre sur un sujet différent, et ainsi de suite avec, comme résultat final, que chaque député possède des chances égales de participer aux débats.  Situation bien différente de l’actuelle, où seulement quelques ministres et députés prennent la vedette, tandis que le grand nombre se tiennent cois, si ce n’est que pour applaudir ou crier!  Les députés de la nouvelle Assemblée auront toutefois le loisir de céder à leur gré leur droit de parole à l’un ou l’autre de leurs collègues.

Que voilà une tâche importante dévolue au président de l’Assemblée nationale!  En plus d’agir lui-même comme député à part entière en participant aux débats et aux votes, il assure par-dessus tout l’exercice équitable et démocratique du plein pouvoir législatif attribué aux députés.  Cette charge considérable mérite certes un traitement quelque peu supérieur à celui des autres députés.  Son terme est de quatre ans, renouvelable tant qu’il sera élu dans son comté et que l’Assemblée l’agréera.  Ce serait de nature à garantir de l’expertise et de la stabilité au fonctionnement du collège des députés.  Par contre, élu par ses pairs, ils peuvent le démettre en tout temps, pour des motifs très sérieux d’ordre public et moyennant un vote des deux tiers de l’Assemblée.

Quant aux députés eux-mêmes, ils auront, dans cette séance, à statuer sur la longueur annuelle des sessions de l’Assemblée.  Tous les députés, dans le régime politique proposé, ont de nouvelles et lourdes obligations à remplir.  Leur fonction en est et doit en être une à plein temps.  Je ne vois alors aucune raison valable pour laquelle  la session annuelle de l’Assemblée ne durerait pas autour de neuf pleins mois, en prévoyant à peu près deux mois et demi de relâche durant l’été, une trêve pour la période des Fêtes de Noël et quelques jours pour le congé de Pâques.  Les députés, citoyens du service public, ont à travailler autant que les autres citoyens, à gagner leur croûte comme eux, à semaines entières.

La condition présente fait que la majorité des députés se sentent désoeuvrés à l’Assemblée nationale.  Ils se rabattent souvent sur les couloirs des officines gouvernementales ou sur le territoire de leur comté pour tenter de faire oeuvre utile.  Il est important qu’ils fassent comprendre à leurs électeurs, par la parole et l’action, que leur tâche sera désormais consacrée avant tout à du plus universel que les frontières de leur comté, au bien-être de l’ensemble des citoyens du Québec.  Au lieu de chercher d’abord à décrocher des subventions pour des organismes de leur comté, à faire entreprendre des travaux publics à l’intérieur de leur territoire, à procurer quelque faveur ou soutien à des citoyens particuliers, ils auront plutôt, en premier lieu, à participer activement et assidûment à la passation de mesures, motions et projets de loi bénéfiques au Québec tout entier.

Rien n’empêche toutefois que, subsidiairement, ils s’efforcent de régler les problèmes spécifiques à leur comté – par exemple, la fermeture d’une usine importante -, en alertant la conscience des ministres concernés et en faisant pression sur eux.  Ce ne sera pas facile aux députés, j’en conviens, de changer ainsi la mentalité de leurs électeurs, habitués qu’ils furent longtemps à de la « petite politique » partisane et à du patronage de courte échelle.  Il reste pourtant primordial, sous le nouveau régime politique, de hisser dans la pensée des électeurs le rôle des députés au rang supérieur d’une fonction noble, désintéressée, vouée au service du bien commun, eux les citoyens qui en ont marre des politiciens et de leur politicaillerie.

Enfin, les députés détermineront leurs propres honoraires, ceux du président de l’Assemblée, des ministres, du premier ministre et du président de la République.  Tous les députés ont désormais à exercer leur fonction à plein temps, dans de longues sessions, avec des responsabilités accrues et de grande importance.  Tout en faisant preuve de modération, ils ont droit à de très bons honoraires correspondant à la valeur de leur service public.  Au fur et à mesure qu’on monte dans la lourdeur des obligations à remplir, dans l’importance qu’elles revêtent, dans le prestige qui leur est attaché, on augmente d’autant, de façon raisonnable (pas à la manière des présidents-directeurs généraux de grandes compagnies!), les honoraires à verser pour ces postes : d’abord pour le président de l’Assemblée, puis pour les ministres, ensuite le premier ministre et enfin le président de la République.

Choix politiques et budgétaires

La troisième séance possède une importance particulière et aura des répercussions sérieuses pour le fonctionnement gouvernemental dans l’année qui vient.  Il s’agit pour l’Assemblée nationale de prendre position sur les grandes orientations politiques et sur les choix budgétaires qui devront inspirer l’État dans sa gouverne et tracer la voie qu’il devra suivre.

Dans la situation actuelle, ce sont les partis qui, avec leur programme électoral, indiquent d’avance aux citoyens la route qu’ils entendent poursuivre.  Ils se prononcent sur les grandes orientations politiques qu’ils imprimeront à leur gouvernement s’ils sont élus, sur les priorités budgétaires qu’ils favoriseront durant leur mandat.  L’exercice n’est pas mauvais en soi, loin de là, mais il offre le grave inconvénient de n’équivaloir en définitive qu’à des promesses, formulées souvent en vue de s’attirer les bonnes grâces de l’électorat. Si les promesses ne sont pas tenues après les élections, comme il arrive assez fréquemment, l’exercice n’aura été somme toute qu’un leurre pour gagner des votes et le pouvoir.

Il est bien préférable de choisir ces orientations politiques et ces choix budgétaires après les élections qu’avant.  Il ne s’agira plus alors de simples promesses faciles à désavouer ou à ne pas respecter, en prétextant que depuis les élections la situation a bien changé, que les finances publiques sont dans un état bien plus précaire qu’on ne l’avait cru, que c’est la faute de l’opposition si on ne peut pas tenir ses engagements, etc.  Il s’agira plutôt d’une prise de position, émise en connaissance de cause et offrant toute la garantie d’une décision officielle.  Il est aussi bien plus démocratique que ce choix s’effectue par tous les députés réunis en Assemblée nationale que par un chef de parti et ses militants qui, dans un esprit tactique, concoctent le programme de leur plate-forme électorale.

Se fier à des orientations politiques et à des priorités budgétaires formulées avant les élections, c’est s’exposer à de la fausse représentation, à de la manœuvre électorale. Pour le citoyen, ce serait accorder inconsidérément son vote à un parti dont le programme, présenté comme applicable pendant toute la durée d’un mandat quinquennal, risque fort d’être irréaliste et trompeur.  Tel ne serait pas le cas, si l’Assemblée nationale, après les élections, décide de statuer elle-même sur les grandes orientations politiques et les priorités budgétaires à fixer pour la prochaine année seulement.

Au cours de cette troisième séance, les députés discutent donc à ciel ouvert de ces grandes directions politiques à prendre et des choix budgétaires qui en découleraient. S’agira-t-il, pour l’année à venir, d’investir davantage dans l’éducation, ou bien dans la santé, ou encore dans l’économie nationale?  Favorisera-t-on plutôt l’environnement, la qualité écologique de la vie, ou le développement économique et social des régions, surtout les plus éloignées et les plus pauvres?  Quel poids attribuer aux relations internationales, aux alliances économiques et politiques avec les pays étrangers?  Voudra-t-on insister davantage sur le développement culturel de la société, sur l’industrie touristique?  Tout autant de questions graves à débattre, de choix à effectuer et qui sont de nature à influer énormément sur les priorités budgétaires à fixer.

Il va sans dire que de tels sujets sont complexes et que de telles options ne seront pas faciles à prendre. Comment de nouveaux arrivants à l’Assemblée nationale, fraîchement émoulus des élections, peuvent-ils parvenir à statuer là-dessus?  Ma réponse est à plusieurs volets.  D’abord, cela suppose – et il n’est pas présomptueux de le croire – que le résultat des élections nous apportera une fournée de députés solides, intelligents, au courant des problèmes du Québec et compétents dans leur domaine respectif.

Le régime politique personnalisé que je prône appelle à l’excellence des députés, et il n’y a rien de mal à cela.  On se contente trop souvent de la médiocrité chez nos représentants politiques.  Pourquoi ne pas faire appel à la crème des députés?  La mentalité persistante du « né pour un petit pain » est à bannir, en politique tout autant et même plus qu’ailleurs.  Refuser l’excellence, ne pas la rechercher sous prétexte d’élitisme, est un réflexe de prolétaire attardé, souvent envieux du mérite des autres et en mal d’égalitarisme au plus bas niveau.  La majorité des gens, quand il requièrent, par exemple, les services d’un ouvrier spécialisé, veulent qu’il soit le plus compétent possible, qu’il ait fait ses preuves, qu’il exécute un travail de la plus haute qualité. Pourquoi pas en politique?  Dans le nouveau régime mis de l’avant, les électeurs sauront déjà quelles tâches exigeantes attendent les députés et, à moins d’être idiots – ce qu’ils ne sont pas -, n’auront pas la tentation d’élire les moins aptes, surtout qu’ils n’auront pas à frayer avec des partis politiques qui parfois les contraignent à ce faire.

Et puis, les nouveaux députés de l’Assemblée nationale, dans le choix des orientations politiques et des priorités budgétaires, au pire ne peuvent pas faire plus mauvais que les fameux programmes électoraux cuisinés par les partis politiques pour faire titiller les papilles gustatives des électeurs.  L’Assemblée nationale, après les élections, sera dans de bien meilleures conditions de transparence et de sincérité pour établir ces choix politiques et budgétaires, avec l’aide de l’opinion publique sûrement plus attentive que jamais à des débats aussi décisifs.

Enfin, rien n’empêcherait les députés de convoquer à leur séance de hauts fonctionnaires de divers ministères pour éclairer leur lanterne sur l’état de la situation dans un domaine ou l’autre.  Il est temps de mettre à profit publiquement et pour tous, les connaissances, l’expertise, les immenses ressources de ces grands serviteurs de l’État, au lieu de les laisser tapis dans leur coin, au service discret et exclusif de leurs ministres. Un des hauts fonctionnaires du ministère des Finances viendrait exposer à l’Assemblée l’état réel, non fardé, des finances publiques, pour que les députés sachent exactement à quoi s’en tenir là-dessus et déterminent leurs priorités budgétaires en en tenant compte.

Ainsi, dans cette séance qui pourrait durer jusqu’à deux semaines de plein travail, à cinq jours semaine s’il vous plaît, les députés prendront position en connaissance de cause sur les grandes orientations politiques à promouvoir et sur les priorités budgétaires à favoriser.  Le budget prévoira-t-il une réduction des impôts, et de quel ordre de grandeur?  Sera-t-il consacré partiellement au remboursement de la dette nationale?  Inclura-t-il de nouveaux programmes de dépenses, dans quel secteur important de la société et jusqu’à concurrence de quel montant?  La population entière saura alors dans quelle voie politique et financière s’engage le nouveau gouvernement et sera en mesure d’activer son sens civique, son esprit critique et sa volonté démocratique.

Il reviendra au ministère des Finances de préparer concrètement le budget annuel de l’État.  Il devra respecter les grandes orientations politiques et les priorités budgétaires déterminées par l’Assemblée nationale des députés et l’y présenter ensuite, le moment venu, pour débats, amendements si nécessaire et approbation officielle.  Voilà bien par toutes ces opérations une illustration éclatante de ce que j’ai en tête quand je parle du plein pouvoir législatif à exercer par l’Assemblée.

Nominations importantes

Dans la quatrième séance, l’Assemblée nationale devra procéder à des nominations fort importantes : celle des ministres, du premier ministre et du président de la République.  À mes yeux, l’Assemblée des députés représente l’institution première et capitale du nouveau régime politique.  Il lui revient donc d’élire les personnes aux postes majeurs du gouvernement, assurant de la sorte une démocratie plus authentique.  Sous le règne des partis, celui qui obtient le plus grand nombre de sièges parlementaires voit son chef accéder automatiquement à la fonction de premier ministre.  Le premier ministre se retire alors dans un lieu secret, inaccessible aux simples mortels et, aidé de conseillers politiques partisans, parfois d’amis intimes, entreprend la grande opération du choix de ses ministres.

Y président en substance non seulement l’excellence personnelle et professionnelle des futurs élus, mais aussi et probablement davantage les intérêts du parti et le capital politique qu’il en retirera.  Les députés qui auraient déjà reçu la promesse de devenir ministres assistent de loin, impassibles et fiers d’eux-mêmes, à la mise en scène de ce choix qui prend parfois des allures de jeu de « tirer à la courte paille ».  D’autres députés, haletants d’espérance ou le cœur angoissé, attendent de se faire convoquer au lieu de retraite du chef, soit pour que par sa grande générosité, il les admette dans son giron, soit pour qu’il les en écarte en raison d’intérêts supérieurs du parti.

Avec un régime politique sans partis, fini l’automatisme gouvernemental qui pousse le chef à la fonction de premier ministre!  Finie la joute souterraine et discrétionnaire du choix des ministres!  La scène est maintenant publique, étalée à la vue de tous les citoyens et peuplée de 125 élus qui ne sont donc pas là par voie d’automatisme, prêts à exercer ouvertement leur pouvoir de choisir, parmi leurs pairs, le premier ministre et les autres ministres.

L’Assemblée nationale nomme donc les personnes qui seront titulaires des différents ministères dont la nature et le nombre auront été fixés par elle dans la séance précédente, ainsi que la personne qui remplira la charge de premier ministre.  La façon de concevoir ces fonctions de ministres et de premier ministre, de même que les responsabilités et les pouvoirs qui leur sont inhérents, seront expliqués au chapitre suivant.

Le président de la République occuperait officiellement le premier rang de tous les postes.  Je le vois comme le représentant émérite de l’État du Québec auprès des autres nations.  C’est une personne qui devrait incarner la sagesse de vie, avoir démontré de l’excellence dans le domaine où il a œuvré, quel qu’il fût, être auréolée d’un prestige certain, fondé sur son mérite personnel et sur sa contribution remarquable à l’avancement du Québec.

Il n’exercerait pas de fonction législative ou exécutive proprement dite.  Il pourrait être cependant le gardien attitré de la Constitution, veillant à son respect le plus fidèle, de concert avec la Cour suprême.  Ce serait, je crois, fort judicieux qu’il puisse prononcer annuellement un discours d’État à l’Assemblée nationale où seraient présents tous les députés et ministres.  Le but de cette prestation ne serait pas de déterminer les objectifs politiques concrets et précis que devrait viser le gouvernement.  C’est à l’Assemblée nationale de fixer ces orientations.  Il serait plutôt de donner son appréciation sur la marche générale du Québec vers le plein épanouissement de sa vie culturelle, économique et sociale et de souligner l’esprit dans lequel il devrait s’y engager.  Ce serait donc un message de haute teneur « spirituelle » qu’il livrerait ainsi autant à la nation entière qu’aux officiers du gouvernement.  De quoi relever le niveau de la politique et lui conférer la dignité et la noblesse qui lui reviennent de droit et qu’elle a, jusqu’ici, malheureusement trop sacrifiées!

Le président de la République sera choisi parmi tous les citoyens du Québec.  Il sera élu pour un terme de quatre ans, non révocable et renouvelable à volonté par l’Assemblée nationale.  Évidemment, il aura droit aux honoraires les plus élevés de tous, mais sans verser dans la somptuosité excessive.

Commissions parlementaires

Les commissions parlementaires sont fort utiles, même nécessaires au fonctionnement efficace de l’Assemblée nationale.  Elles existent déjà dans le système gouvernemental actuel.  Bien loin de les réduire, encore moins de les éliminer, le nouveau régime politique voudrait en accentuer l’importance, leur faire jouer un rôle plus déterminant, les faire contribuer davantage à la qualité démocratique de l’action parlementaire.

L’Assemblée nationale crée donc au besoin autant de commissions parlementaires qu’elle l’entend.  Elles seront là pour permettre l’approfondissement de questions complexes ou épineuses auxquelles l’Assemblée voudrait apporter une solution, pour préparer la substance de mesures ou motions que l’ensemble des députés voudrait adopter, pour élaborer des projets de loi sur lesquels l’Assemblée voudrait se prononcer. Le résultat de ces réflexions communes serait consigné dans des rapports et recommandations fournis à l’Assemblée qui en débattrait et en déciderait.

Il faudrait aussi, comme cela se passe présentement, prévoir la formation de commissions parlementaires ouvertes aux citoyens.  Ils y viendraient, à titre individuel ou collectif, présenter leurs doléances à propos d’une question, faire état des problèmes rencontrés, proposer des suggestions ou recommandations en vue d’améliorer la situation.  Il ne faudrait pas craindre d’utiliser largement cette pratique, susceptible de développer la participation active des citoyens à la vie publique et de faire grandir l’esprit démocratique de la société.

Tous et chacun des députés ont droit d’être membres de ces commissions.  Il faut aussi que ce droit se concrétise réellement, de façon que chaque député y participe vraiment.  Il pourrait là-dessus s’établir une rotation selon les sujets traités, l’expertise que les députés en ont, l’intérêt qu’ils y portent.  La mise en place de cette rotation et son contrôle équitable relèveraient du président de l’Assemblée, comme pour les tours de parole à distribuer aux députés.  Le président pourrait proposer à l’Assemblée pour chaque commission une liste de noms sujette à sanction officielle.

Les commissaires auraient le droit de recourir aux services de fonctionnaires appartenant aux ministères concernés par les questions à l’étude.  Ils seraient convoqués aux séances des commissions pour obtenir d’eux tous les renseignements requis, leur demander d’accomplir certains travaux jugés utiles et pertinents à leurs débats.  Cette pratique nécessiterait peut-être un certain accroissement du nombre des fonctionnaires, mais il serait vite neutralisé par la disparition, dans d’autres secteurs, d’un nombre appréciable de personnes travaillant actuellement pour le gouvernement. Nous le verrons plus loin au chapitre des ministres.

Il est important que s’établisse une communication constante entre les députés de l’Assemblée et les différents ministères, entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif.  Les commissions parlementaires en fourniront particulièrement l’occasion.  Par ce va-et-vient assidu, la pratique gouvernementale et la vie politique y gagneraient en coopération, en émulation réciproque et en solidarité, au service du bien commun.

Les commissions parlementaires constitueront enfin un terrain propice à la formation d’alliances entre députés, si conjoncturelles et provisoires seront-elles.  Il n’existe plus de partis politiques pour dresser des blocs inentamables de députés l’un en face de l’autre, l’un contre l’autre.  Il faut quand même que les députés, à un moment donné, se regroupent d’une façon ou l’autre.  Le vote libre à la majorité absolue ne peut se tenir sans qu’il y ait coalitions de personnes aux idéologies communes, aux intérêts et aux valeurs semblables, se départageant le oui et le non.  Les commissions parlementaires, entre autres, seront des lieux favorables à l’établissement de ces alliances nécessaires, désormais fondées non sur l’appartenance et la fidélité automatique à un parti, mais, comme il se doit de l’être, sur le mérite intrinsèque des questions à débattre et sur la valeur personnelle des députés en cause.

»» lire la suite du livre

[1] Cette situation prévaut particulièrement chez le premier ministre du Canada.  Dans sa chronique du Devoir (11 août 2005, p. A7), Norman Spector écrit : « Essayez d’expliquer, à l’étranger, que dans un État fédéral et démocratique une seule personne a le pouvoir de nommer le chef d’État – de facto -, une des deux chambres législatives et les neuf juges de la Cour suprême ».  Spector parle alors de dictature amicale.

[2] Plus loin, en parlant des nominations au Sénat, Spector poursuit : « Malgré l’engagement de Paul Martin à « condamner la pratique et la politique du copinage », les nominations tirées de l’assortiment habituel de partisans et de bailleurs de fonds – chacun masquant un peu la nomination de l’autre – sont conformes aux pratiques des premiers ministres depuis toujours ». Il conclut en disant que l’institution du Sénat « est à peine plus qu’un marécage de patronage ». Qu’il a donc raison!

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :